Maître Florence Rouas, avocate à Paris, vous conseille, vous assiste dans le cadre de toutes les procédures devant le juge aux affaires familiales et le juge des enfants. Vous pouvez prendre rendez-vous soit en distanciel, soit à son cabinet situé à Paris 16 ème.
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Le contrôle coercitif constitue une forme insidieuse de violences conjugales et intrafamiliales, reposant sur la déstabilisation sociale et psychologique de la victime par la surveillance, le contrôle et l’intimidation, dans le but de l’isoler et de l’épuiser, pour en prendre possession et agir comme si elle était sa propriété, en la privant de ses ressources, de ses droits et de son autonomie.
La mise en œuvre du contrôle coercitif varie selon les situations, en fonction de l’auteur et de la victime.
Cependant, elle repose toujours sur un envahissement de l’espace psychique, personnel, intime, familial, matériel et psychologique, conduisant à une désintégration du soi, liée à la prise simultanée de contrôle sur le corps et l’esprit de la victime.
Le 31 janvier 2024, dans cinq arrêts, la Cour d’Appel de Poitiers a utilisé pour la première fois le concept de « contrôle coercitif » dans le cadre d’affaires de violences conjugales.
Ces arrêts précisent que le contrôle coercitif repose sur des agissements « divers et cumulés » qui, « pris isolément, peuvent sembler relativisables ».
Mais dès qu’ils sont identifiés, listés et mis en cohérence, ils forment un ensemble : les outils du contrôle coercitif.
Ces outils visent à piéger la femme dans une relation où elle doit obéissance et soumission à un individu qui s’érige en « maître ».
Ces comportements variés peuvent être les suivants :
- enregistrements ;
- suivi des déplacements par GPS, pose de traceur sur un véhicule ;
- contrôle du linge, y compris des sous-vêtements ;
- jalousie, interdiction de parler à d’autres hommes ;
- confiscation du téléphone, vérification des messages ;
- enfermement de la victime au domicile ;
- violences physiques : claque, tirage de cheveux ;
- propos de dénigrement et de dévalorisation ;
- contrôle des ressources alimentaires ;
- sabotage des relations familiales, amicales ou professionnelles ;
- insultes ;
- climat de violences : destruction de meubles, coups dans les murs ;
- menaces de mort.
Ces arrêts précisent également que « le contrôle coercitif constitue une atteinte aux droits humains, en ce qu’il empêche de jouir de ses droits fondamentaux comme la liberté d’aller et venir, de s’exprimer, de penser, ou d’entretenir des liens familiaux, personnels, professionnels et sociaux ».
C’est ce qu’on appelle aujourd’hui l’emprise.
Par ailleurs, lorsque l’agresseur partage des enfants avec la victime, ces comportements changent souvent de nature et s’accompagnent très fréquemment d’attaques directes contre la relation entre la victime et l’enfant.
Quel impact sur les enfants ?
Les enfants témoins de comportements de contrôle coercitif sont des victimes collatérales.
Ils se trouvent confrontés à un dilemme constant : comment agir pour ne mettre en danger ni eux-mêmes, ni leur mère, ni même leur père, qui est l’agresseur, surtout lorsque la sécurité de l’une des trois personnes est menacée.
Leur quotidien ressemble à celui d’un individu vivant dans un système totalitaire, où chaque mouvement pourrait déclencher une “explosion” contre eux ou un proche.
Par ailleurs, l’exposition à ce type de violence a des effets pervers :
- Les garçons ont un risque accru de reproduire des comportements agressifs à l’âge adulte.
- Les filles présentent un risque accru de devenir elles-mêmes victimes de violences conjugales plus tard.
On a longtemps considéré que le maintien du contact avec les deux parents était dans l’intérêt de l’enfant.
Or, les recherches récentes et les recommandations de la Haute Autorité de Santé rappellent que le besoin fondamental de l’enfant est avant tout la sécurité.
Un environnement stable, sécurisant et soutenant est essentiel pour son développement physique, psychologique et social.
Ainsi, la violence et le contrôle coercitif créent un environnement hostile, compromettant son bien-être et son développement.
Les conséquences peuvent être longues et profondes, affectant toutes les dimensions de sa vie, même à l’âge adulte.
De fait, et cela ne fait plus débat, les statistiques sont claires : les violences conjugales sont majoritairement commises par des hommes, ce qui fait des femmes les principales victimes du contrôle coercitif.
En effet, ce phénomène est observé dans la majorité des dossiers de violences conjugales et est constaté dans 9 cas sur 10 de féminicides.
Les enfants sont également des victimes collatérales de ce type de violence.
Le contrôle coercitif a été théorisé et conceptualisé à partir des observations faites sur des aviateurs américains, élites militaires, capturés et détenus pendant deux ans dans des camps lors de la guerre de Corée.
Les psychologues ont en effet constaté que la majorité de ces aviateurs avaient collaboré avec l’ennemi sans avoir subi de torture physique. Cette situation a conduit à s’intéresser au phénomène de soumission sans recours à la violence physique.
Ainsi, le contrôle coercitif peut, en réalité, toucher n’importe qui, indépendamment du contexte, du genre de la victime ou de la force physique de l’auteur.
Il est essentiel de distinguer la vulnérabilité individuelle, qui existe chez tout être humain, et la vulnérabilisation, c’est-à-dire l’ensemble des techniques que l’agresseur met en place pour affaiblir sa victime.
En effet, la soumission comportementale ne dépend pas de la vulnérabilité de la personne : elle s’explique scientifiquement.
L’être humain récupère notamment grâce à la sécrétion d’ocytocine, une hormone produite lorsqu’on se sent détendu, en sécurité ou soutenu socialement, et qui joue un rôle majeur dans la régulation du stress aigu.
Or, lorsqu’une personne est constamment exposée au stress, aux menaces ou à un environnement hostile, cette régulation cesse de fonctionner. Le cerveau et l’organisme subissent alors une charge physiologique extrêmement coûteuse.
Les conséquences du contrôle coercitif altèrent à leur tour le fonctionnement cognitif et la capacité de la victime à prendre des décisions.
Il ne s’agit donc pas de se demander : « Pourquoi la victime n’est-elle pas partie ? », mais plutôt : « Qu’a-t-il mis en place pour qu’elle ne puisse pas partir ?
Si tous les comportements de contrôle coercitif ne conduisent pas nécessairement à un féminicide, il est désormais établi que les féminicides sont systématiquement précédés de comportements de contrôle coercitif, lesquels sont par ailleurs présents dans la majorité des dossiers de violences conjugales.
Si le droit pénal reconnaît déjà que les violences conjugales peuvent être psychologiques et ne se limitent pas aux atteintes physiques (article 222-14-3 du Code pénal), cette appréhension demeure trop générale et insuffisamment opérante.
Elle ne permet pas de sanctionner efficacement des comportements subtils qui, pris isolément, peuvent sembler mineurs, mais qui, répétés et cumulés, constituent une véritable forme de violence, une forme de captivité.
La reconnaissance juridique du contrôle coercitif permettrait ainsi une meilleure appréhension de la réalité des violences conjugales, en offrant aux magistrats un un outil d’intervention en amont, avant que ne surviennent des violences physiques parfois irréversibles.
Au-delà de l’outil offert aux magistrats, la définition claire de ce cadre permet également aux victimes, comme à leur entourage, d’identifier plus précocement ces situations et d’agir en conséquence.
En effet, qui porterait plainte contre un conjoint qui surveille ses comptes bancaires, sa localisation, ses fréquentations, ses achats, ses vêtements, ou encore ce qu’elle mange ?
D’ou vient la notion de contrôle coercitif ?
La notion de contrôle coercitif ne trouve pas son origine dans l’étude des violences conjugales.
Ce concept est né dans les travaux de psychologie menés aux États-Unis dans les années 1950, à la suite du retour des militaires aviateurs américains capturés lors de la guerre de Corée.
Ils sont revenus après avoir été détenus pendant près de deux ans dans des camps de prisonniers de guerre où les conditions étaient extrêmement dures : isolement quasi permanent, privations, malnutrition, froid, absence de soins et solitude.
À cette détresse physique se sont ajoutées de fortes pressions psychologiques : interrogatoires répétés, tortures, menaces, ainsi que des tentatives d’endoctrinement visant à obtenir des “confessions” ou à diffuser la propagande ennemie.
Et, fait particulièrement marquant, même en l’absence de violences physiques systématiques, un nombre significatif d’entre eux a fini par collaborer avec l’ennemi.
Leur hiérarchie militaire, les sociologues ainsi que l’opinion publique se sont interrogés : comment expliquer qu’un certain nombre d’entre eux, des militaires appartenant à l’élite américaine, aient collaboré avec l’ennemi ?
Les recherches qui ont suivi ont porté sur les mécanismes dits de lavage de cerveau, notamment celle du sociologue américain Albert Biderman.
Selon lui, la question centrale n’était pas pourquoi les prisonniers s’étaient soumis, mais comment leurs tortionnaires avaient obtenu cette soumission comportementale.
En 1957, il élabore ce qui deviendra la « Charte de Biderman » ou « principes de Biderman », tableau décrivant de manière systématique les techniques de torture psychologique utilisées par les forces chinoises et nord-coréennes.
Ce tableau identifie huit méthodes générales et chronologiques permettant de briser psychologiquement un individu.
Amnesty International a reconnu au début des années 2000 que cette typologie répertorie les outils universels de la torture et de la coercition.
Les méthodes décrites par Biderman sont les suivantes :
1. Isoler la victime : la priver de tout soutien social et la rendre dépendante de l’autorité.
2. Monopoliser sa perception : focaliser son attention sur une situation difficile, éliminer les informations contradictoires et punir toute forme de résistance.
3. Induire l’épuisement : affaiblir sa capacité mentale et physique à résister.
4. Présenter des menaces : maintenir un niveau constant d’anxiété et de désespoir.
5. Octroyer des indulgences occasionnelles : créer une motivation à obéir et empêcher l’adaptation aux privations imposées.
6. Démontrer la toute-puissance du pouvoir : convaincre de l’inutilité de toute opposition.
7. Dégrader la victime : réduire son estime d’elle-même et la ramener à un état de survie élémentaire.
8. Exiger des actions absurdes : instaurer des habitudes de soumission et briser le jugement autonome.
Par la suite, les travaux du psychologue Stanley Milgram, menés après le procès d’Adolf Eichmann, ont renforcé ces conclusions.
Milgram a démontré que la soumission à l’autorité peut être obtenue sans recours à la violence physique, uniquement par l’influence d’un cadre autoritaire légitimé.
À partir des années 1980, les recherches féministes en sciences sociales ont repris ces mécanismes pour analyser les violences conjugales.
Cette approche est largement diffusée par le sociologue américain Evan Stark, notamment à partir de 2007.
C’est précisément ce que vivaient les aviateurs américains détenus dans les camps pendant la guerre de Corée, et c’est ce que vivent les victimes de violences dans le cadre familial : une exposition prolongée à la menace, à l’isolement et à l’imprévisibilité.
Maître Florence Rouas, avocate à Paris, vous conseille, vous assiste dans le cadre de toutes les procédures devant le juge aux affaires familiales et le juge des enfants. Vous pouvez prendre rendez-vous soit en distanciel, soit à son cabinet situé à Paris 16 ème.
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