L’accusé n’a pas à démontrer son innocence : il bénéficie de la présomption d’innocence.
Ce principe est expressément consacré par l’article préliminaire du Code de procédure pénale, dont le troisième paragraphe énonce :
« Toute personne suspectée ou poursuivie est présumée innocente tant que sa culpabilité n’a pas été établie. Les atteintes à la présomption d’innocence sont prévenues, réparées et réprimées dans les conditions prévues par la loi. »
Une jurisprudence constante reconnaît à la présomption d’innocence une fonction déterminante : celle de fixer la charge de la preuve.
La Cour de cassation l’a rappelé en ces termes :
« La charge de la preuve de la culpabilité du prévenu incombe à la partie poursuivante » (Crim., 22 février 1993, n° 92-81.811).
Ce principe perdure jusqu’à ce qu’une décision de culpabilité devienne irrévocable (Crim., 13 novembre 1996, n° 96-83.696).
Ainsi, en droit pénal, il revient à l’autorité poursuivante, qu’il s’agisse du ministère public ou du juge d’instruction, d’apporter la preuve de la culpabilité.
Cette règle n’est pas purement technique : elle traduit une conception libérale et démocratique de la justice, selon laquelle l’État, détenteur du pouvoir de contrainte, doit assumer la charge de la preuve.
Elle constitue une protection essentielle contre l’arbitraire et contre toute tentation inquisitoriale.
Dès lors, le fait que le silence ou le mensonge d’un accusé puisse être interprété défavorablement, qu’il soit perçu comme un aveu implicite, qu’il aggrave la peine ou qu’il soit retenu comme élément de preuve, fait peser un risque majeur : celui d’un retour à une logique inquisitoriale.
En effet, considérer le silence comme suspect revient à réintroduire une contrainte morale dans l’interrogatoire, en imposant à l’accusé une obligation de dire la vérité.
Une telle approche conduit insidieusement à exiger de l’accusé qu’il participe à la preuve de sa propre culpabilité, alors que cette mission incombe exclusivement à l’État.
II. Le droit au silence et de ne pas contribuer à sa propre incrimination
Le droit au silence et celui de ne pas contribuer à sa propre incrimination constituent les deux aspects d’un même principe fondamental.
La Cour européenne des droits de l’homme a consacré ce principe dans l’arrêt Funke c. France du 25 février 1993 (n° 10588/83), reconnaissant explicitement le droit de se taire et de ne pas contribuer à sa propre incrimination.
Ce principe vise à protéger l’accusé contre toute forme de contrainte abusive de la part des autorités et à prévenir les erreurs judiciaires (CEDH, 16 juin 2015, n° 41269/08).
Le droit de se taire est une garantie procédurale essentielle qui protège l’équilibre du procès pénal et préserve la dignité de l’accusé face au pouvoir de l’État.
S’ils peuvent être rattachés à la présomption d’innocence, leur portée ne s’y limite pas.
En effet, le droit de ne pas s’auto-incriminer découle directement du droit à la liberté individuelle et du respect de la dignité de la personne humaine.
Il traduit, plus largement, le droit pour tout individu de maîtriser les informations qu’il choisit de divulguer sur lui-même, y compris face à l’autorité judiciaire.
La Cour de cassation, de son côté, a reconnu le droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination comme un principe autonome, dans un arrêt d’Assemblée plénière du 6 mars 2015 (n° 14-84.339).
Dans cette affaire, la Cour a censuré un procédé policier consistant à placer deux personnes en garde à vue dans des cellules contiguës et à sonoriser les locaux afin d’enregistrer leurs échanges.
Elle a considéré que ce dispositif constituait un stratagème déloyal de recherche de la preuve, contraire tant au principe de loyauté de la preuve qu’au droit de ne pas s’auto-incriminer.
Cette décision marque la première reconnaissance explicite du droit de ne pas s’auto-incriminer comme fondement autonome pour censurer un stratagème policier.
Elle illustre la volonté du juge de faire obstacle à toute manœuvre déloyale ou contrainte abusive susceptible d’altérer la liberté de choix de la personne poursuivie.
III. Les conséquences déduites du silence de l'intéressé
Lorsqu’un suspect ou une personne poursuivie choisit de garder le silence, il s’expose à ce que la juridiction puisse, dans certains cas, interpréter ce silence comme un élément à prendre en compte, notamment pour apprécier des indices de culpabilité ou pour déterminer la peine.
La directive 2016/343/UE du 9 mars 2016 précise, d’une part, que « les États membres peuvent autoriser les autorités judiciaires à tenir compte, lorsqu’elles rendent leur jugement, de l’attitude coopérative des suspects et des personnes poursuivies » et, d’autre part, que « l’exercice par les suspects et les personnes poursuivies du droit de garder le silence et du droit de ne pas s’incriminer soi-mêmes ne saurait être retenu contre eux ni considéré comme une preuve qu’ils ont commis l’infraction pénale concernée ».
S’agissant du premier aspect, la Cour de cassation a jugé qu’une procédure dans laquelle la juridiction semblait suivre les réquisitions du parquet et prononcer une peine plus sévère en raison de l’absence de reconnaissance de culpabilité par le prévenu ne portait pas atteinte au droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination (Crim., 4 avril 2013, n° 12-83.344).
Cependant, cette interprétation suscite une tension : stigmatiser le silence affaiblit la défense, renverse la charge de la preuve et fragilise les fondements du procès équitable.
Concernant le second aspect, la lecture combinée de la directive et de la jurisprudence conduit à conclure que le silence gardé par le suspect ou la personne poursuivie ne peut en aucun cas constituer un indice de culpabilité ni être utilisé dans la motivation de la décision juridictionnelle.
Il s’agit d’une garantie essentielle pour préserver l’effectivité du droit de ne pas s’auto-incriminer et pour maintenir l’équilibre du procès pénal.
IV. L’avocat : gardien du droit de ne pas s’auto-incriminer
Le rôle de l’avocat de la défense est central dans la protection du droit de ne pas s’auto-incriminer.
En effet, les avocats, en tant qu’auxiliaires de justice, ont pour mission de représenter au mieux les intérêts de leurs clients en utilisant l’ensemble des moyens légaux à leur disposition.
En tant que gardien des droits de La Défense, il peut légitimement conseiller à son client de garder le silence ou de ne pas collaborer à l’enquête.
Si le droit de mentir n’existe pas en tant que tel, le droit de ne pas dire la vérité à son propre détriment est une composante essentielle du droit de ne pas s’auto-incriminer.
Ces conseils ne sauraient être interprété comme une obstruction à la justice ou comme une complicité de mensonge : il relève pleinement de la stratégie de défense.
Le droit de conseiller au prévenu de ne pas répondre à certaines questions fait naturellement partie de ces ressources.
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