L'audition de l'enfant
Petite voix, grands enjeux : l’audition de l’enfant dans la procédure aux affaires familiales
La réforme du 5 mars 2007 a marqué un changement significatif : désormais, selon l’article 388-1 du Code civil, tout mineur capable de discernement a un droit d’être entendu lorsqu’il en fait la demande.
Cette évolution marque un tournant dans les procédures familiales, longtemps centrées uniquement sur les adultes en conflit. Il était indispensable de reconnaître à l’enfant une place dans ces débats, car les décisions prises auront des conséquences majeures sur sa vie future. Il est donc légitime qu’il puisse exprimer son point de vue.
Maître Florence ROUAS, avocate au Barreau de Paris, vous conseille et assiste devant tous les Tribunaux et Cour d'appel de Paris, Créteil, Versailles, Nanterre, Pontoise, Evry, Bobigny ainsi que dans toute la France.
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Il convient toutefois de distinguer deux types de procédures :
● La procédure devant le juge aux affaires familiales (Juge aux Affaires Familiales), qui statue sur l’autorité parentale. Dans ce cadre, l’enfant n’est pas partie à la procédure.
● La procédure devant le juge des enfants (Juge pour Enfants), qui vise à protéger un enfant en danger. Ici, l’enfant est partie à la procédure et pleinement impliqué.
À quoi sert l’audition de l’enfant ?
L’audition permet à l’enfant de faire entendre son point de vue dans une procédure qui le concerne directement, notamment lorsqu’il est question de résidence, de droit de visite et d’hébergement, ou d’exercice de l’autorité parentale.
Concrètement, l’enfant peut exprimer qu’il souhaite vivre chez un parent, rester avec ses frères et sœurs, ou encore évoquer ses ressentis face à la situation familiale.
Attention : l’enfant ne décide pas. Il donne son avis, que le juge prendra en compte sans y être lié.
Qui peut demander l’audition de l’enfant ?
Plusieurs personnes peuvent en faire la demande :
● Le juge lui-même, de sa propre initiative.
● L’un ou l’autre des parents, ou les deux.
● L’enfant lui-même, s’il est capable de discernement.
La loi ne fixe pas d’âge minimum, mais laisse au juge le soin d’apprécier, au cas par cas, la capacité de discernement, c’est-à-dire la faculté de comprendre les enjeux et les conséquences de ses propos et de ses actes.
Les parents ont l’obligation d’informer leur enfant de son droit à être entendu. Le juge vérifie cette information, notamment par une attestation sur l’honneur des parents.
Le juge peut-il refuser une audition, même si l’enfant est discernant ?
En principe, non. L’audition est de droit lorsque l’enfant doué de discernement en fait la demande. Le juge ne peut refuser que de manière exceptionnelle et motivée, par exemple :
● Si l’audition est inutile pour trancher le litige.
● Si elle est contraire à l’intérêt de l’enfant.
Le refus du juge peut-il être contesté ?
Lorsque la demande d’audition émane des parents, le juge peut la refuser, mais cette décision est susceptible de recours.
En revanche, si la demande provient de l’enfant lui-même, le refus du juge n’est pas contestable.
À quel moment peut-on demander l’audition ?
La demande peut être formulée à tout moment de la procédure, y compris pour la première fois devant la cour d’appel.
Les parents ont l’obligation d’informer leur enfant de son droit à être entendu. Le juge vérifie cette information, notamment par une attestation sur l’honneur des parents.
Comment faire la demande d’audition ?
Aucune forme particulière n’est exigée :
● L’enfant peut écrire une lettre libre au juge ou encore présenter sa demande oralement au juge
● Les parents peuvent faire une demande écrite adressée au Juge aux Affaires Familiales.
L’enfant est généralement convoqué après l’audience des parents, ce qui permet au juge d’évaluer la complexité de la situation. Il peut décider de recourir à un tiers qualifié (enquêteur social, expert psychologue…) pour garantir une audition adaptée.
Comment se déroule l’audition ?
L’enfant est convoqué par lettre simple. Il peut :
● Être entendu seul,
● Être accompagné d’un avocat (qu’il choisit ou commis d’office),
● Être accompagné d’une personne de confiance (parent ou autre).
Le juge peut écarter la personne choisie par l’enfant pour l’assister si ce choix ne paraît pas conforme à son intérêt.
L’audition de l’enfant se déroule au tribunal, dans un cadre strictement confidentiel, hors la présence des parents et de leurs avocats.
Lorsque l’enfant demande à être assisté d’un avocat, il bénéficie automatiquement de l’aide juridictionnelle. S’il n’a pas désigné d’avocat, le juge en saisit un d’office.
L’avocat reçoit d’abord l’enfant à son cabinet afin de s’assurer qu’il est capable de discernement et qu’il exprime une volonté réelle d’être entendu. Si tel n’est pas le cas, l’avocat en informe le magistrat.
Si toutes les conditions sont réunies, l’avocat assiste l’enfant pendant l’audition. Ce soutien joue un rôle fondamental : il permet à l’enfant d’être rassuré par la présence d’un professionnel de confiance, qu’il a déjà rencontré, et qui peut l’aider à formuler ses ressentis tout en lui apportant un soutien moral et psychologique.
Le rôle de l’avocat est aussi de lui expliquer clairement le déroulement de l’audition et de faciliter l’expression de sa parole.
Le juge peut également décider d’entendre uniquement l’avocat du mineur, chargé de rapporter fidèlement la parole de l’enfant (article 388-1 du Code civil).
Que se passe-t-il après l’audition ?
Le juge rend une décision indiquant que l’enfant a été entendu.
Le compte rendu de l’audition, versé au dossier, permet de garantir le respect du contradictoire. Il ne s’agit pas d’une retranscription intégrale mais d’un résumé fidèle des propos utiles.
Ce document peut ne pas être entièrement communiqué aux parents si cela protège mieux l’enfant.
Le juge n’est pas tenu de suivre l’avis de l’enfant, mais il doit :
● Le prendre en compte,
● Et motiver sa décision s’il décide de s’en écarter (articles 388-1 du Code civil, 455 et 458 du Code de procédure civile).
Conclusion
L’audition de l’enfant lui offre un espace d’expression reconnu par la loi. Écouter l’enfant c’est lui permettre d’être considéré, entendu, et intégré dans une décision qui façonnera son avenir.