Le Secret de l'instruction et Le Secret de l'enquête de de police
Qu'est-ce que le secret de l'instruction ?
Le secret de l'instruction est un principe fondamental du droit pénal français. Il est inscrit à l'article 11 du Code de procédure pénale, qui dispose que « la procédure au cours de l'enquête et de l'instruction est secrète ».
Autrement dit, toutes les informations relatives à une affaire pénale (auditions, expertises, perquisitions, confrontations, etc.) doivent rester confidentielles tant que le jugement n'a pas été rendu. Ce principe s'applique dès l'ouverture de l'enquête judiciaire par le juge d'instruction.
Ce secret vise à protéger plusieurs intérêts essentiels :
-Le bon déroulement de la procédure, en évitant toute pression extérieure ou falsification de preuve
-Les droits de la défense, en garantissant une procédure équitable pour toutes les parties
-La présomption d'innocence, en évitant qu'une personne soit médiatiquement « condamnée » avant toute décision de justice
-La protection des victimes et des témoins, souvent vulnérables
Qu'est-ce que le secret de l'enquête ?
Le secret de l'enquête concerne la phase qui précède l'instruction. Il s'applique aussi bien aux enquêtes préliminaires (article 75 du Code de procédure pénale) qu’aux enquêtes de flagrance (articles 53 à 74-2 du Code de procédure pénale). Tout comme le secret de l'instruction, il est prévu par l'article 11 du Code de procédure pénale.
Durant cette phase d'enquête, les officiers de police judiciaire, sous la direction du procureur de la République, recueillent des éléments qui permettront de déterminer si des poursuites doivent être engagées.
Le secret de l'enquête poursuit des objectifs similaires au secret de l'instruction :
-Garantir l'efficacité des investigations policières
-Éviter la destruction de preuves ou la concertation entre suspects
-Préserver la réputation des personnes concernées avant toute mise en examen
-Protéger les témoins et les victimes d'éventuelles pressions
Qui est concerné par ce secret ?
Pour le secret de l'instruction :
Le secret s'impose à toutes les personnes participant à la procédure à titre professionnel : le juge d'instruction, le procureur de la République, les policiers ou gendarmes, le greffier, les experts ou interprètes ainsi que tout agent de l'État intervenant dans l’affaire.
L'article 11 alinéa 2 du Code de procédure pénale précise que « toute personne qui concourt à cette procédure est tenue au secret professionnel dans les conditions et sous les peines des articles 226-13 et 226-14 du code pénal ».
Pour le secret de l'enquête :
Il concerne principalement: les officiers et agents de police judiciaire, le procureur de la République et ses substituts, le personnel administratif des services d’enquête, les experts sollicités pendant l’enquête.
La violation de ces secrets est une infraction pénale. Toute personne tenue au secret qui en révèle volontairement le contenu s'expose à un an d'emprisonnement et 15 000 € d'amende (article 226-13 du Code pénal).
Dans les cas plus graves, notamment lorsque la révélation vise à entraver le déroulement des investigations, la peine peut être aggravée à cinq ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende (article 434-7-2 du Code pénal).
Existe-t-il des exceptions à ce secret ?
L'article 11 du Code de procédure pénale autorise le procureur de la République à communiquer certains éléments objectifs tant de l'enquête que de l'instruction à titre exceptionnel, si cela est nécessaire à l'intérêt de la procédure (par exemple, pour éviter la propagation de rumeurs ou calmer un trouble à l'ordre public).
Cette communication doit, selon les termes mêmes de l'article 11 alinéa 3 du Code de procédure pénale :
• Se limiter à des faits vérifiés et objectifs
• Ne contenir aucune appréciation sur la culpabilité
• Respecter la présomption d'innocence et les droits de la défense
À noter que depuis la loi du 23 mars 2019, le procureur peut également autoriser des officiers de police judiciaire à communiquer sur certains éléments objectifs de l'enquête, toujours dans le respect des conditions précitées (article 11 alinéa 4 du Code de procédure pénale).
Qu'en est-il des avocats ?
Les avocats ne sont pas directement soumis à l'article 11 du Code de procédure pénale, mais ils sont tenus au secret professionnel, en vertu de l'article 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, qui leur interdit de divulguer les informations confidentielles obtenues dans l'exercice de leur mission, y compris les éléments issus du dossier d'instruction ou d'enquête.
Cette obligation est également précisée dans l'article 4 du décret n° 2005-790 du 12 juillet 2005 relatif aux règles de déontologie de la profession d'avocat et dans l'article 5 du Règlement Intérieur National (RIN) de la profession.
Ils peuvent toutefois s'exprimer dans les médias pour défendre leur client, mais dans le respect des règles déontologiques : loyauté des débats, confidentialité, présomption d’innocence.
Un avocat qui enfreint ces règles s'expose à une double sanction :
-Pénale prévue aux articles 226-13 et 434-7-2 du Code pénal
-Disciplinaire, pouvant aller jusqu'à la radiation du barreau (article 184 du décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991)
Quelle est la position des médias face au secret ?
Bien que les journalistes ne soient pas directement tenus au secret de l'instruction ou de l'enquête, ils peuvent être poursuivis pour recel de violation de secret professionnel s'ils publient des informations obtenues par l'intermédiaire d'une personne ayant elle-même violé ce secret (article 321-1 du Code pénal)
Toutefois, la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH, 7 juin 2007, Dupuis c/ France) et du Conseil constitutionnel reconnaît l'importance de la liberté de la presse et du droit à l'information sur des sujets d'intérêt général, garantis par l'article 10 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme et l'article 11 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen.
Une mise en balance est donc nécessaire entre :
-Le respect du secret de l'enquête et de l'instruction
-La liberté d'expression et le droit à l'information
-La présomption d'innocence
-La protection de la vie privée
Pourquoi ces secrets sont-ils si importants ?
Le secret de l'enquête et de l'instruction assure une justice équitable et neutre, protégée des pressions extérieures. Face aux affaires très médiatisées et commentées publiquement avant tout jugement définitif, ces principes protègent l'objectivité des enquêteurs et des juges et préservent les droits essentiels des personnes impliquées.
Le Conseil constitutionnel a rappelé, dans une décision du 2 mars 2004 n° 2004-492, que le respect du secret est une condition du bon fonctionnement de la justice pénale.
Quelles sont les conséquences en cas de violation ?
La divulgation d'informations couvertes par le secret de l'enquête ou de l'instruction peut entraîner :
-Des sanctions pénales (articles 226-13 et 434-7-2 du Code pénal)
-Des poursuites disciplinaires, notamment pour les avocats (décret n°91-1197 du 27 novembre 1991) ou les fonctionnaires (loi la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983)
-Dans certains cas, des actions en diffamation ou atteinte à la présomption d'innocence si des informations erronées ou diffamantes sont publiées
Évolutions récentes et débats actuels
Le secret de l'enquête et de l'instruction fait l'objet de nombreux débats, notamment en raison de :
-La médiatisation croissante des affaires judiciaires
-Le développement des réseaux sociaux qui facilite la diffusion d'informations
-Les tensions entre droit à l'information et protection des droits individuels
Plusieurs réformes ont tenté de concilier ces impératifs contradictoires, notamment la loi du 23 mars 2019 qui a renforcé la possibilité pour le procureur de communiquer sur certains éléments de l’enquête.
Maître Florence ROUAS, avocate au Barreau de Paris, vous conseille et assiste devant tous les Tribunaux et Cour d'appel de Paris, Créteil, Versailles, Nanterre, Pontoise, Evry, Bobigny ainsi que dans toute la France.
Vous pouvez la contacter aux numéros suivants : 06 09 40 95 04/ 01 56 07 18 54, ou via le formulaire contact